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Ici, c’est notre terre et nous ne partirons pas

jeudi 6 février 2025

« Ici, c’est notre terre et nous ne partirons pas » : à Gaza, le témoignage de Ziad Medoukh, poète et enseignant*

« C’est un sentiment de soulagement que partage la population civile parce qu’il y a l’arrêt des bombardements, pas de morts, pas de blessés, il n’y a pas de destruction. Les Palestiniens peuvent regarder les étoiles dans le ciel sans avoir peur des bombes. Le sentiment d’inquiétude est toujours là, même si les Palestiniens vivent avec l’espoir.
Le fait qu’il y ait 200 000 Palestiniens qui ont été déplacés de force dans la ville de Gaza même et sont allés retrouver leur maison détruite et leur quartier dévasté, à Jabalia, Beit Hanoun et Beit Lahia, montre qu’ils préfèrent vivre à côté de ruines, dans des maisons au milieu de la terre dévastée, plutôt que loin de leurs terres. Il faut noter que 600 000 personnes n’ont pas quitté le Nord malgré les dangers incessants, le manque d’eau, de nourriture, de soins.
Ceux qui sont revenus ont été sous le choc de voir leurs immeubles détruits, leurs quartiers dévastés. Il n’y avait pas de traces de leur maison. Ils ont trouvé des centaines de morts sous les décombres, parce que personne ne pouvait les sauver. C’est un sentiment de colère et de tristesse.
Autre élément du cessez-le-feu, l’entrée et l’acheminement de l’aide humanitaire. Il est prévu dans l’accord de faire entrer 300 camions dans le Nord, 300 dans le Sud. Or, dans le Sud, davantage de camions sont entrés ; mais pour le Nord, qui a beaucoup souffert du blocus sanitaire et alimentaire, de la pénurie de médicaments, surtout de la famine ces derniers mois, il n’y a que 30 à 70 camions par jour.
Qui va gérer Gaza ? Les gens n’attachent pas une grande importance à cette question, si ce sont les autorités en place jusque-là, ou celles de Ramallah, ou encore une force internationale. Ils sont trop occupés par leur quotidien, par le désir de retrouver leur maison. Le problème est qu’il n’y a pas de garant de l’accord sur le terrain. C’est un sentiment de crainte et de peur que les Israéliens n’appliquent pas le contenu et les phases de cet accord.
Quinze mois, c’est du jamais-vu dans notre histoire récente. Bombes, missiles, imaginons : plus de 88 000 tonnes de bombes sont tombées sur la bande de Gaza. Mais les Palestiniens sont toujours là. Ils constatent avec beaucoup de colère et de tristesse l’ampleur de ces destructions, de ce carnage, de cette horrible agression. Où que vous marchiez maintenant, ce sont les ruines de nos habitations, de nos écoles, de nos universités, de nos mosquées, de nos églises, de nos hôpitaux. Tout est détruit, tout est dévasté.
L’aspect très important de tout cela, c’est que la plupart des Palestiniens n’ont jamais quitté la bande de Gaza. C’est pour cela qu’il y a un sentiment de fierté qui règne encore malgré l’inquiétude, malgré la peur et l’attente. Les gens ont une idée en tête : « Ici c’est notre terre et nous ne partirons pas. » Ce n’est pas qu’une idée. Ils l’appliquent. Au début de la guerre, ils avaient la possibilité de partir, de passer par le passage de Rafah, il y avait la mer. Ils ont finalement décidé de rester, de supporter l’insupportable. »

Professeur de français et poète, Ziad Medoukh n’a pas quitté Gaza malgré la mort d’une partie de sa famille et la destruction de sa maison. Il livre ses sentiments alors que le cessez-le-feu est en cours dans le territoire palestinien.

Article tiré de L’Humanité du 27/01/25