Accueil > Médias et culture > Films et documentaires > Christophe Oberlin et le film « Made in France - Au service de la guerre »
Christophe Oberlin et le film « Made in France - Au service de la guerre »
vendredi 16 octobre 2020
À propos d’un blog de mediapart qui vantait le film « Made in France - Au service de la guerre »
J’ai beaucoup de respect pour Anne Paq, mais le visionnage du documentaire d’Arte m’inspire au contraire bien des réticences.
Certes le meurtre des enfants nous émeut au plus haut point et nous souffrons intensément avec la famille. Et il est bon que des spectateurs français sachent que ces crimes sont commis, se mettent dans la peau des parents dont les enfants sont assassinés, etc. C’est la vision compassionnelle, mais ce n’est pas, et depuis longtemps, ce que demandent les Palestiniens. Ils demandent la justice. Or que nous montre le film ?
La vedettarisation d’une association qui multiplie les initiatives absurdes : porter plainte en Israël est à la fois choquant et surtout contreproductif : dans le cas d’un crime de guerre, dès lors qu’une juridiction locale prend en charge une affaire, la Cour pénale internationale ne peut plus, par son Statut, enquêter. Donc lorsque le responsable de l’association se vante de 250 dossiers déposés à la Cour suprême israélienne, ce sont 250 familles qui ne connaitront JAMAIS la justice. Le permanent de l’association abuse de l’émotion de la mère en se présentant comme s’il était le gardien de la loi. Surtout l’action de l’association et le traitement qui est fait dans le film masquent complètement le fait que les Palestiniens ont des enquêteurs qualifiés, des avocats, des procureurs, un pouvoir politique qui, bien qu’imparfait, a saisi la justice internationale, et qu’une enquête est sur le point de s’ouvrir, basée notamment sur 2400 dossiers complets de victimes, dossiers documentés par des professionnels et déjà transmis à la Cour pénale internationale par des avocats accrédités.
De nombreuses scènes du film font bondir devant le manque de professionnalisme des intervenants. Sortir les "pièces à conviction" d’un sac en plastique sur une terrasse, à mains nues, est sans aucune valeur pour un tribunal (aucune "chaine de preuve" prouvant que ce sont bien les débris de la bombe qui a tué les enfants).
Grand moment de rire quand l’avocat français, qui trahit le secret professionnel en permettant de filmer ses confidences avec le "client », explique qu’il va demander au juge de contraindre l’État français à donner ses contacts militaires avec Israël ! L’avocat parle clairement de "nos intérêts à nous partie civile", c’est-à-dire l’ONG qui joue son propre jeu. Vivre en tant qu’ONG et pour cela se médiatiser, avec l’assurance d’un résultat nul.
Quant à la scène au Conseil des droits de l’homme de l’ONU elle dévoile une insondable méconnaissance des auteurs : le Conseil des droits de l’homme de l’ONU est une simple tribune qui n’a AUCUN pouvoir judiciaire (contrairement au Comité des droits de l’homme de l’ONU dont personne ne parle). De toute manière il s’agit ici de crimes de guerre, et la seule instance internationale à pouvoir en traiter est la Cour pénale internationale qui, justement, est sur le point de le faire.
Christophe Oberlin
Dernier livre paru (le 15 octobre 2020) : « Les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale - L’enquête », Erick Bonnier éditeur.