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La colonisation d’Hébron par le groupe de Kook
lundi 26 septembre 2016
Cancer du colon
Tout a commencé un jour de mai 1967. Alors qu’il délivre son message annuel aux étudiants d’une yechiva de Jérusalem, le rabbin Zvi Yehouda Kook change brusquement de ton. Les témoins diront qu’il avait cessé de discourir, pour se lamenter. « Cela fait dix-neuf ans que je n’ose parler de cela. Mais ils ont amputé notre terre. Où est notre Hébron ? Notre Jéricho ? Notre Naplouse ? Où sont les rives de notre Jourdain ? Devons-nous les oublier ? »
« Après ces paroles, nous sommes tous devenus différents », raconte aujourd’hui un témoin. Lui et d’autres vont profiter de la victoire éclair de Tsahal sur ses voisins arabes, un mois après cette supplique, pour s’offrir au rabbin Kook comme les premiers disciples d’une « mission d’ordre divin : contribuer à la rédemption de la terre d’Israël ».
Ciel et terre
Le premier colon juif à s’installer illégalement hors des frontières de l’État souverain s’appelle Hanan Porat. En septembre 1967, il demande à Levi Eshkol, le premier ministre israélien, de « rendre » le village de Kfar Etzion (Judée) aux enfants des Juifs qui y vivaient avant d’en être chassés par les soulèvements arabes. Refus du ministre des Affaires étrangères. « Ne demandons pas la permission au gouvernement. Contentons-nous de l’informer », décrètent les disciples du rabbin Kook. « Avec ou sans votre autorisation, nous allons nous installer. » Ils chargent des camions de mobilier. Volte-face officielle. « D’accord, les enfants. Vous y tenez tant, alors qu’il en soit ainsi », répond finalement le chef du gouvernement. La porte est enfoncée.
À Hébron, le jour de Pâques, un groupe de religieux juifs s’installe à l’hôtel Park. Ils se font passer pour des touristes suisses, accrochent le drapeau israélien à leurs fenêtres et refusent de partir. « Nous avons rétabli la communauté juive dans la ville des Patriarches », tonne le rabbin qui les conduit. « Vous êtes comme un os dans la gorge du gouvernement, on ne peut ni vous rejeter ni vous avaler », lâche l’émissaire israélien chargé de les ramener à la raison. Bien plus tard, geste sacré, une mère juive parviendra à enterrer son enfant dans la ville. Hébron devenue sépulture, c’est la politique du fait accompli. Pour les religieux, aucun retour en arrière n’est plus possible. Aujourd’hui, 600 colons vivent à Hébron, protégés par 1000 soldats, au milieu de 200 000 Palestiniens. Et plus de 400 000 Juifs résident désormais sur des terres confisquées.
« L’implantation hâtera la venue du Messie », avait prophétisé le rabbin Kook. « Ces colonies, ce cancer qui ronge la démocratie israélienne », lui avait répondu Yitzhak Rabin. Il l’a payé de sa vie.
Selon ces anciens du Bloc de la foi, la gauche et les laïques, qui les combattent, ne commettent pas seulement une faute politique. Ils sont dans le péché. Et, lorsque l’armée déloge rudement dix illégaux, ils reviennent à cent, se rêvant pionniers messianiques.
Voici Pinhasi, un colon qui se proclame aux « avant-postes » : « Le rôle du peuple d’Israël est de conquérir la terre pour la bannir des non-Juifs. » Et puis Mati, sa jeune voisine, qui nargue les paysans palestiniens. « Qui a décidé que ces oliviers étaient à moi ? » Elle éclate de rire. « Dieu ! C’est écrit dans la Bible : « La terre que tu vois t’appartient. » »
Sorj Chalandon
le Canard enchaîné du 21/09/16
en préalable à une émission sur Arte
Ci-dessous, le documentaire « Au nom du Temple » de Charles Enderlin qui refait entre autre l’historique de cette implantation coloniale.