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La CIJ prend une première décision aujourd’hui
vendredi 26 janvier 2024
La Cour Internationale de Justice a déclaré aujourd’hui (26 janvier), à 13h, qu’elle adoptait les mesures conservatoires réclamées par l’Afrique du Sud pour prévenir le génocide en cours en Palestine. Sa déclaration peut être écoutée sur le site de l’ONU.
Les mesures conservatoires retenues pour prévenir le génocide sont présentées en bas de l’article.
Il ne s’agit pas du jugement de fond définitif, mais de savoir si l’accusation de l’Afrique du Sud est suffisamment "sérieuse" pour justifier d’appliquer des mesures "préventives". En effet, l’objectif affiché de la justice internationale en matière de crimes contre l’Humanité est de les prévenir, pas de commencer à bouger une fois que tout est fini. Cette première décision (comme la plupart des décisions qui concernent des mesures conservatoires) est donc rendue dans un délai très court par rapport à la durée complète de la procédure, qui s’étalera sans doute sur plusieurs années.
Il s’agit également d’un moment de bascule sur les prétentions qu’ont les institutions internationales à lutter contre les crimes universels (voir par exemple ici ou là). Au fil des décennies, il a souvent été reproché à ces institutions d’être des outils de coercition, voire d’ingérence, des pays occidentaux contre les pays du sud global. La décision qui a été rendue aujourd’hui et ses développements seront sans doute interprétés comme la preuve que ces institutions internationales peuvent être efficaces (face au risque d’être jugées fondamentalement inefficaces) dans cette lutte contre les crimes que l’on avait juré de ne plus jamais reproduire.
Les dispositions conservatoires enjoignent l’État d’Israël à :
– Prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission de tout acte de génocide à l’encontre des palestinien·nes de Gaza, en particulier :
a) les meurtres de palestinien·nes,
b) les atteintes graves à l’intégrité physique ou mental de palestinien·nes,
c) la soumission intentionnelle des palestinien·nes à des conditions d’existence devant entrainer leur destruction physique totale ou partielle,
d) les mesures visant à entraver leurs naissances.
– Veiller avec effet immédiat à ce que son armée ne commette aucun des crimes ci-dessus.
– Prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre un génocide envers les palestinien·nes de la bande de Gaza.
– Prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les palestinien·nes de la bande de Gaza.
– Prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuves relatifs aux allégations d’actes de génocide ou de complicité de génocide (articles II et III consultables ici) contre les palestinien·nes de la bande de Gaza.
– Soumettre à la CIJ un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour exécuter ces dispositions dans un délai d’un mois, donc avant le 26 février.
Les mesures suivantes qui avaient été demandées par l’Afrique du Sud (Section VI et en particulier VI (E) du dossier) ne se retrouvent pas dans cette décision de la CIJ :
– Que l’État d’Israël suspende immédiatement ses opérations militaires à et contre Gaza. Et que l’État d’Israël veille à ce qu’aucune unité militaire ou unité armée irrégulière qui agirait sous sa direction, avec son appui ou sous son influence, ainsi qu’aucune organisation ou personne qui se trouverait sous son contrôle, sa direction ou son influence, n’entreprenne une quelconque action visant à poursuivre ces opérations militaires.
– Que l’État d’Israël [...] s’abstienne de commettre l’un quelconque des actes ci-après, et prenne toutes les mesures en son pouvoir pour en prévenir la commission [y compris par une quelconque de ses unités militaires, d’unité armée irrégulière ou personne qui agirait sous sa direction, avec son appui ou en étant d’une autre manière influencée par lui, et aucune organisation ou personne qui se trouverait sous son contrôle, sa direction ou son influence], y compris l’annulation des ordres et mesures de restriction ou d’interdiction pertinents :
c) détruire la vie palestinienne à Gaza (ndlr : c’est-à-dire pour arrêter le sociocide, tel que le Tribunal Russell l’avait déjà dénoncé en 2013).
– [Afin de préserver et d’assurer la conservation des éléments de preuves,] que l’État d’Israël s’abstienne de refuser ou restreindre l’accès à Gaza des missions d’établissement des faits, des titulaires de mandats internationaux et d’autres organismes chargés d’aider à la protection et à la conservation desdits éléments de preuve.
– Que l’État d’Israël soumette régulièrement un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aurait prises pour exécuter ces dispositions, jusqu’à ce qu’une décision ait été définitivement rendue en l’affaire.
– Que l’État d’Israël s’abstienne de commettre, et fasse en sorte de prévenir, tout acte susceptible d’aggraver ou d’étendre le différend porté devant la Cour ou d’en rendre le règlement plus difficile.
En outre, à la fois la déclaration de la CIJ et la demande de l’Afrique du Sud incitent à la libération immédiate des otages, israéliens et autres.