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Comment la technologie d’espionnage israélienne pénètre au plus profond de nos vies

vendredi 29 novembre 2019


Comment la technologie d’espionnage israélienne pénètre au plus profond de nos vies

Jonathan Cook, Middle East Eye, mardi 26 novembre (extraits)

Les armes de l’ère numérique développées par Israël pour opprimer les Palestiniens sont rapidement réutilisées dans le cadre d’applications beaucoup plus larges, et ce contre les populations occidentales qui considèrent pourtant leurs libertés comme acquises. (...) Comme l’a récemment observé un journaliste de Haaretz, l’opération de surveillance menée par Israël contre les Palestiniens … « inclut la surveillance des médias, des réseaux sociaux et de la population dans son ensemble ».
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Aussi petit soit-il, Israël est depuis longtemps un leader mondial sur le marché extrêmement lucratif de l’armement, vendant à des régimes autoritaires ses systèmes d’armes « testés sur le champ de bataille », c’est-à-dire sur les Palestiniens. Or, ce commerce de matériel militaire est de plus en plus éclipsé par le marché des logiciels belligérants, c’est-à-dire des outils servant à livrer des cyberguerres.
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Signe de ces tensions, WhatsApp, une plateforme de réseaux sociaux appartenant à Facebook, a tout récemment intenté le premier procès de ce type devant un tribunal californien contre NSO, la plus grande société de surveillance israélienne.
WhatsApp accuse NSO de cyberattaques. Au cours d’une période de seulement deux semaines se terminant début mai et examinée par WhatsApp, NSO aurait ciblé les téléphones portables de plus de 1 400 utilisateurs dans 20 pays. (….)
Le logiciel espion de NSO, appelé Pegasus, a été utilisé contre des défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des responsables religieux, des journalistes et des travailleurs humanitaires. Reuters a révélé fin octobre que de hauts responsables de pays alliés des États-Unis avaient également été pris pour cibles par NSO. Après avoir pris le contrôle du téléphone d’un utilisateur à son insu, Pegasus en copie les données et active le microphone de l’appareil à des fins de surveillance. Le magazine Forbes l’a décrit comme « le kit d’espionnage mobile le plus invasif au monde ».
NSO a octroyé une licence d’utilisation du logiciel à des dizaines de gouvernements, notamment à des régimes connus pour leurs violations des droits de l’homme tels que l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Kazakhstan, le Mexique et le Maroc.
Amnesty International s’est plaint de ce que son personnel figurait parmi les personnes visées … L’ONG …soutient actuellement une action en justice contre le gouvernement israélien pour avoir délivré à la société une licence d’exportation.
NSO a été fondée en 2010 par Omri Lavie et Shalev Hulio, tous deux présentés comme des gradés de la fameuse unité 8200 du renseignement militaire d’Israël.
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Microsoft a considérablement investi dans AnyVision, une société qui développe une technologie sophistiquée de reconnaissance faciale utilisée par l’armée israélienne pour opprimer les Palestiniens.
Les connexions entre AnyVision et les services de sécurité israéliens sont à peine cachées. Le comité consultatif de la société compte parmi ses membres Tamir Pardo, ancien chef du Mossad, l’agence d’espionnage israélienne. Son président, Amir Kain, était auparavant à la tête du Malmab, le département du ministère israélien de la Défense chargé de la sécurité.
Un ancien employé d’AnyVision a déclaré à NBC que les Palestiniens étaient traités comme des cobayes. « La technologie a été testée sur le terrain dans l’un des environnements de sécurité les plus exigeants au monde et nous la déployons maintenant dans le reste du marché », a-t-il déclaré. (…)
Le 15 novembre, Microsoft a annoncé le lancement d’une enquête sur les allégations selon lesquelles la technologie de reconnaissance faciale mise au point par AnyVision violait son code d’éthique en raison de son utilisation dans des opérations de surveillance en Cisjordanie occupée.
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…les cyberentreprises israéliennes ont été impliquées de plus en plus profondément dans les efforts visant à manipuler le discours public sur Israël, notamment en interférant dans les élections à l’étranger.
Deux exemples notoires ont brièvement fait la une des médias. Psy-Group, qui se présentait comme un « Mossad privé à louer », a été fermé l’année dernière après que le FBI a ouvert une enquête à son sujet pour avoir interféré dans l’élection présidentielle américaine de 2016. Son « Project Butterfly » visait selon le New Yorker à « déstabiliser et perturber les mouvements anti-israéliens de l’intérieur ».
Et l’année dernière, la société Black Cube a été accusée de surveillance hostile sur des membres éminents de la précédente administration américaine dirigée par Barack Obama. Black Cube semble étroitement lié aux services de sécurité israéliens et ses locaux ont été situés un temps sur une base militaire israélienne.
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Onavo, une société israélienne de collecte de données créée par deux vétérans de l’Unité 8200, a été rachetée par Facebook en 2013. Apple a interdit son application VPN l’année dernière après qu’il a été révélé qu’elle offrait un accès illimité aux données des utilisateurs.
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Selon un article de Haaretz, le ministre israélien des Affaires stratégiques, Gilad Erdan, lequel dirige une campagne secrète visant à diaboliser les militants BDS à l’étranger, a tenu des réunions régulières avec une autre société, Concert (ex Kella Shlomo), l’année dernière. Ce groupe secret, qui est exempté des lois israéliennes sur la liberté d’information, a reçu environ 36 millions de dollars de financement de la part du gouvernement israélien. Ses administrateurs et actionnaires sont « la crème » de l’élite israélienne de la sécurité et du renseignement.
Une autre société israélienne de premier plan, Candiru …vend ses outils de piratage principalement aux gouvernements occidentaux, bien que ses opérations soient entourées de secret. (…)
Si cet avenir dystopique continue de se déployer, New York, Londres, Berlin et Paris ressembleront de plus en plus à Naplouse, Hébron, Jérusalem-Est et Gaza. Et nous finirons tous par comprendre ce que signifie vivre dans un État de surveillance engagé dans une cyberguerre contre ceux sur lesquels il règne.

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