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Le Théâtre Habima et la nécessité d’un boycott culturel d’Israël

vendredi 4 novembre 2016

-* Le Théâtre Habima et la nécessité d’un boycott culturel d’Israël
/ 2 novembre 2016
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Michel Warschawski, 30 octobre 2016

La représentation à venir du Théâtre National dans la colonie de Kiryat Arba prouve que le boycott contre les actions d’Israël en Cisjordanie ne déstabilisera pas l’occupation à lui seul.

Combien de fois, nous qui soutenons le mouvement de Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS), avons-nous été attaqués pour notre plaidoyer en faveur du boycott académique et culturel d’Israël ? Des dizaines de fois, y compris par de soi-disant militants de gauche.

Les cyniques, de droite comme de gauche disent que la culture est neutre. La culture n’est pas (et ne devrait pas être) liée au conflit colonial en Palestine. La culture, en fait, c’est la Suisse du conflit ! Et, de toute façon, les universitaires et les acteurs culturels sont « de notre côté ». Ils ne méritent pas une punition.

À ce moment, il est important de se souvenir que BDS ne vise pas des individus ou des oeuvres en particulier mais plutôt des institutions et des événements.

La décision récente du Théâtre Habima d’aller jouer dans la colonie de Kiryat Arba démontre que cette position sur la culture est intenable. Le nom même du Théâtre Habima met en évidence la futilité de la soi-disant exception culturelle par rapport à la politique. Une décision gouvernementale de 1958 a modifié le nom de cette noble et très vénérable institution en « Théâtre National Habima ». Il est, de ce fait, impossible de séparer le théâtre de son rôle national.

Habima est actuellement le fleuron des institutions culturelles israéliennes. Situé à Tel Aviv, il vise un public national et international. Tout comme les autres institutions culturelles israéliennes d’importance, il manifeste qu’une partie de sa mission est de représenter l’État d’Israël dans le monde et de lui donner une image positive – ne serait-ce que pour garantir son financement.

Ce qui nous concerne aujourd’hui, cependant, est centré sur la représentation à venir de la compagnie de théâtre dans la colonie israélienne de Kiryat Arba dans le district de Hebron en Cisjordanie. Habima a pris la responsabilité politique de sa décision. Il vaut la peine de citer la déclaration de la compagnie à ce sujet : « la direction du théâtre rejette avec dégoût tout appel à exclure des citoyens et des villes et condamne toute tentative de boycott culturel dans tout lieu où vivent des citoyens israéliens ». « Nous sommes intéressés à continuer à offrir des productions culturelles de grande qualité aux citoyens israéliens » est-il ajouté.

Tous les « citoyens israéliens », toutes les « localités israéliennes » : ici, Habima, avec beaucoup d’autres acteurs culturels israéliens qui se voient comme des gens éduqués et éclairés, efface tout simplement la Ligne Verte qui sépare l’Israël actuel des territoires occupés.

Pourtant, une autre journaliste supposée progressiste, Ali Karp, a écrit dans le journal israélien Haaretz : « le théâtre national israélien doit jouer à Kiryat Arba… La voix de la gauche, la voix de l’humanisme et l’opposition à l’occupation… doivent tout particulièrement être entendues par les gens qui vivent dans les colonies… En d’autres termes, nous devons convaincre les âmes perdues ».

Si l’on suit la logique de Karp, c’est un manque de culture qui explique la violence coloniale des habitants de Kiryat Arba. Un peu de Molière, Shakespeare ou Hanoch Levin et les colons deviendront pacifistes, avec des colombes en papier à la place des fusils.

Autant j’essaie de comprendre Karp et ses amis de la gauche sioniste, autant je ne peux pas voir comment, en jouant à Kiryat Arba, les acteurs d’Habima convaincront les dites « âmes perdues » qu’elles vivent dans un endroit où elles ne devraient pas être. Au contraire, amener le théâtre national d’Israël à Kiryat Arba soutient le projet de normalisation des colons et la conviction que, avec le temps, il n’y aura pas de différence entre la colonie de Kiryat Arba et la ville de Kiryat Ata du district de Haïfa.

Dans tous les cas, le simple fait que des gens éduqués comme Karp ou le directeur du Théâtre Habima ignorent la Ligne Verte, devrait mettre un terme au débat entre boycott de l’occupation ou boycott d’Israël. C’est bien sûr Israël et ses institutions qui doivent être boycottés – pas seulement les colonies et leurs produits. C’est la seule façon de pouvoir jamais « convaincre les âmes perdues » qui sont la grande majorité des citoyens israéliens.

Michel Warschawski est un militant anticolonialiste israélien de longue date, qui a été prisonnier politique et qui est cofondateur du Centre d’Information Alternative.

Traduction SF pour l’AURDIP