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Guerre énergétique : menaces en Méditerrannée
mercredi 22 juin 2022
Billet de blog 19 juin 2022
marie nivet
Sous prétexte de punir la Russie, la commission européenne n’a aucun souci à passer un accord avec une des pires dictatures de la région, le régime égyptien du maréchal Al Sissi, et avec l’apartheid israélien, dont la politique criminelle contre le peuple palestinien n’est plus à démontrer.
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Guerre énergétique
Solidarité avec les peuples de la Méditerranée, solidarité avec la Palestine !
Qu’est-ce que l’oléoduc EastMed ?
Historique
L’oléoduc EastMed est un projet de gazoduc de 1 900 km de long (1 300 km sous l’eau, 600 km sur terre) allant d’Israël à l’Europe continentale en passant par Chypre et la Grèce (grâce à un autre oléoduc appelé Poséidon, de 300 km de Grèce à l’Italie. Parmi les investisseurs financiers et les partisans politiques figurent Israël, l’UE et les États membres de l’UE, les États du Golfe et les États-Unis avec des entreprises qui prévoient de construire, d’exploiter et, à terme, d’utiliser le gazoduc.
Les plans de l’oléoduc remontant sans doute au moins jusqu’en 2013, les partenaires (Israël, Chypre et la Grèce) prendront une décision finale d’investissement en 2022 et espèrent achever la construction de l’oléoduc en 2025
Mais, en janvier 2022, les États-Unis jettent l’éponge, arguant que le gazoduc risque d’être une source majeure de tensions dans la région.En effet, ce projet de gazoduc a crée, tout au long de l’administration Trump, des disputes entre la Turquie, la Grèce et l’Égypte.
La Commission européenne considère ce projet comme une priorité absolue et lui a accordé à la fois un soutien financier considérable et un statut spécial qui lui confère un traitement préférentiel. Les partisans du projet de gazoduc EastMed affirment qu’il offrira une source d’énergie « durable » (en utilisant le terme « gaz naturel » au lieu de « gaz fossile »), pour l’UE et ses États membres, ainsi que la paix, la sécurité et la prospérité économique pour la région.
Viabilité économique et écologique
Cependant, sur de simples points techniques, le projet d’infrastructure international prévu fut sérieusement critiqué. Sur la question de la satisfaction des besoins en gaz de l’UE et de ses États membres, il fut remarqué que, non seulement les besoins étaient satisfaits, mais que la demande en gaz diminuait, conformément à la stratégie climatique de la Commission européenne. Simultanément, la rentabilité économique de l’extraction de gaz fossile en général et du gazoduc EastMed en particulier, dont le coût prévu était de 6 milliards d’euros et qui était censé devenir l’un des plus longs d’Europe et l’un des plus profonds du monde, est sérieusement remise en question.
La finalisation et l’exploitation rentable du gazoduc mettent en évidence un autre domaine de critique important, à savoir ses conséquences écologiques.
Maintenir le gazoduc en service jusqu’à ce qu’il rembourse ses investisseurs et commence à générer des bénéfices entraînerait des émissions de gaz à effet de serre d’une ampleur insoutenable (en violation des accords mondiaux sur le climat). Le gazoduc émettrait annuellement plus de gaz à effet de serre « que la plus grande usine à charbon d’Europe ». L’emplacement et la conception du gazoduc lui-même sont des sources de préoccupation environnementale : l’écosystème de la mer Méditerranée serait perturbé par l’énorme projet d’infrastructure et en danger constant de fuites toxiques du gazoduc, surtout si l’on considère son emplacement dans des zones où les tremblements de terre sont fréquents.
L’invasion russe en Ukraine, en février 2022 a contraint l’UE à revoir sa dépendance au gaz russe. Le plan du gazoduc Eastmed pourrait donc être relancé, à la grande satisfaction de la Grèce. Dans le quotidien grec Kathimerini, Eran Lerman, vice-président de l’Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité soutient aussi que, « avec l’abandon du Nord Stream 2 et les relations avec la Russie susceptibles d’être perturbées pendant une très longue période, la question de la viabilité économique du gazoduc Eastmed pourrait de nouveau être posée ».(extrait du journal Le Monde)
Samedi 11 juin 2022, un navire de la société gazière britannique Energean Plc, mandatée par Israël est arrivé dimanche sur le champ offshore controversé de Karish au Liban pour commencer à l’exploiter, selon un communiqué de la compagnie. Des centaines de manifestants se sont réunis dans la ville de Naqoura, frontalière avec Israël et ont brandi des drapeaux libanais et palestiniens car, pour le Liban, le champ de Karish se trouve dans une partie des eaux contestées avec Israël, tandis que celle-ci estime qu’il est situé dans sa zone économique exclusive. « Nous refusons catégoriquement d’abandonner les ressources maritimes du pays, elles appartiennent à tous les Libanais », a déclaré le député indépendant Firas Hamdane devant la foule de manifestants.
Le Liban et Israël, officiellement toujours en guerre, avaient entamé en octobre 2020 des négociations sous l’égide de Washington pour délimiter leur frontière maritime, afin de lever les obstacles à la prospection d’hydrocarbures. Mais les pourparlers ont été suspendus en mai 2021 à la suite de différends concernant la surface de la zone contestée. Le président libanais Michel Aoun et le Premier ministre sortant Najib Mikati, ont dénoncé une « provocation » de la part d’Israël et réclamé une médiation américaine au sujet de la délimitation des frontières maritimes entre les deux pays. Le médiateur américain Amos Hochstein s’est entretenu dans la semaine pendant 40 minutes avec M. Aoun au sujet de la délimitation de la frontière maritime entre Israël et Le Liban. M. Aoun suggère d’entamer des négociation indirectes au sujet de la délimitation de la zone, avec une condition non négociable toutefois :obtenir le champ de gaz nommé CANA qui se trouve entre les zones exclusives du Liban et D’Israël, au niveau de la ligne 23. (bloc9)
Israël n’a pas encore donné de réponse.Le consortium Total-Eni-Novatek, regroupant trois compagnies française, russe et italienne, prospecte dans 2 zones sur les 10 qui pourraient contenir du gaz, ce qui inquiète les Libanais :y-a-t-il vraiment du gaz ou est-on dans une pure logique spéculative ?
De la même manière, la découverte de plusieurs gisements aux larges des côtes de la Palestine occupée devrait assurer un développement économique significatif pour l’occupation israélienne. Par exemple, le gisement « Leviathan » , situé à 130km à l’ouest d’Haïfa occupée et, contiendrait des réserves de l’ordre de 500 milliards de mètres cubes, soit l’équivalent de plus de 10 ans de la consommation française en gaz.Ce gisement est exploité depuis fin 2019.
Compte tenu des énormes gisements de gaz naturel en capacité d’alimenter les marchés européens, il est presque certain que le gaz naturel méditerranéen finira par devenir une source majeure de dissensions politiques, si ce n’est même de véritable guerre.
Dans ce contexte et alors que le peuple palestinien subit la spoliation de sa terre et ce qu’elle contient, l’occupation israélienne vole ces ressources avec la complicité des pays de l’UE et de régimes réactionnaires arabes qui servent de receleurs : en attendant de pouvoir aller plus loin dans la construction du gazoduc EastMed, l’Union Européenne a signé, jeudi 16 juin, un accord tripartite d’exportation de gaz naturel liquéfié avec l’occupation israélienne et la dictature égyptienne.L’accord, d’une durée de 3 ans et renouvelable pour deux ans supplémentaires, a été signé en marge d’une réunion du Forum du gaz de la Méditerranée orientale qui compte parmi ses membres : l’Autorité Palestinienne, la Jordanie, l’occupation israélienne, l’Égypte, la Grèce, Chypre, l’Italie et la France. Cet accord prévoit que le gaz sera transféré d’Israël vers l’Égypte via un gazoduc existant, après quoi l’Égypte le liquéfiera et le réexportera en raison de l’absence actuelle d’un pipeline reliant l’occupation israélienne et l’Europe.
Sous prétexte de punir la Russie, la commission européenne n’a aucun souci à passer un accord avec une des pires dictatures de la région, le régime égyptien du maréchal Al Sissi, et avec l’apartheid israélien, dont la politique criminelle contre le peuple palestinien n’est plus à démontrer.