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La colonisation est le crime
mercredi 8 novembre 2023
https://blogs.mediapart.fr/marie-nivet/blog/081123/la-colonisation-est-le-crime
En mars 2023, Bezalel Smotrich, ministre des finances en Israël a dit en France devant tout le monde que le peuple palestinien, les palestiniens, n’existaient pas : il n’y a que des Arabes. Plus tard, lors d’un discours à l’ONU, où il parlait devant une carte fictive d’Israël, incluant le royaume de Jordanie, il recommençait à nier l’existence des Palestiniens.
On retrouve ce genre de propos tout au long de l’histoire d’Israël.
Le nettoyage ethnique se poursuit.
Gaza est assiégée depuis maintenant 32 jours, près de la moitié de la population de la bande a été déportée vers le sud soit 1,4 million de personnes poussées contre un poste frontière, non loin d’un désert, sans eau, sans soins, sans nourriture. Des familles sont déchirées. Quelques hommes et femmes sont restées à Gaza-City, "parce qu’ils ne veulent pas vivre avec l’humiliation de la déportation, ils veulent mourir debout".
Les Gazaouis ont vécu déjà dans leur chair et dans celles de leurs aïeux l’exil et la déportation : chassés de leurs terres en 1948, ils ont vu leurs père et leur mère lutter, s’accrocher à l’espoir de revenir un jour sur leurs terres du nord et de la vallée du Jourdain.
Entre 1948 et 1967, L’Égypte contrôle la bande de Gaza. Israël s’empare de la bande en 1956 mais les Égyptiens la reprennent. Puis, Israël gagne la guerre en 1967, prend le contrôle de la bande, l’envahit et installe ses colons. L’Organisation de Libération de la Palestine est alors aux manettes en Cisjordanie et à Gaza.
Israël soutient le Hamas pour se débarrasser de Yasser Arafat
Pour Israël, qui ne veut pas d’une solution à deux États, qui ne veut pas que le processus d’Oslo aboutisse, l’ennemi, c’est l’OLP de Yasser Arafat : l’organisation est composée de plusieurs partis dont le Fatah et le Front de Libération pour la Palestine, elle est laïque et multi-confessionnelle. Elle abandonne la lutte armée en 1988.
En 1973, Israël inaugure l’immeuble des frères musulmans à Gaza et voit d’un bon œil l’installation du Hamas, qui n’a pas l’air de faire de politique mais plutôt du social.
Dès 1987 et la première intifada, suivie par la population pauvre et humiliée par des heures d’attente aux checkpoints pour aller travailler en Israël pour des salaires de misère, les services de renseignements israélien préféraient déjà clairement ce mouvement religieux au mouvement laïque de Arafat.
Le Hamas est crée en 1987 et obtient le pouvoir par les urnes en 2006 (65 % des voix selon Ziad Medoukh) et Netanyahou est content.
L’UE, cédant à la pression israélienne, a été la première à imposer le blocus de Gaza, en coupant les subventions qui permettaient de payer certains salaires à Gaza.
Israël et l’Égypte ferment les frontières et la bande de Gaza est devenue « cette prison à ciel ouvert. »
Les partisans des accords d’Oslo voulaient que l’armée et la police palestinienne du Fatah soient renforcées, afin de faire barrage au Hamas mais une partie de la population ne voit aucune avancée réelle lors des négociations d’Oslo : le droit au retour des réfugiés non appliqué, les concessions territoriales sont vécues comme une trahison et une guerre fratricide entre Fatah et Hamas s’ensuit. Le gouvernement d’Ariel Sharon, celui d’Ehoud Olmer puis celui de Netanyhou ont tous préféré l’islam radical du Hamas au Fatah et aux communistes : pour Israël, l’établissement de la branche la plus radicale des frères était parfaite pour éloigner la faisabilité d’un état palestinien. Israël voit d’un bon œil ‘ le retour du religieux’ à Gaza, et, malgré la charte assassine du Hamas, elle va tout faire pour présenter le « quiétisme » du Hamas comme une alternative bien plus convenable que les paroles de paix et de résistance d’Arafat, alors qu’elle savait très bien que la violence du Hamas mènerait à un extrémisme, mais celui-ci qui semble bien convenir aux extrémistes juifs orthodoxes.
Depuis, Gaza est en grande partie financé par le Qatar, mais c’est bien Israël qui autorise que cet argent arrive, puisqu’ Israël contrôle le blocus.
Le but d’Israël est de diviser les Palestiniens et elle laisse donc le Hamas se réunir et ne l’empêche pas de progresser, afin de faire capoter coute que coute le processus de paix démarré.
Même si la façon de résister du Hamas ne convient pas à tous les Gazaouis, les associations de la société civile n’ont pas été empêché de travailler dans la mixité et la liberté d’expression depuis qu’il est au pouvoir. (source Ziad Medoukh)
Israël a joué le jeu de complicité-rivalité avec le Hamas pour diviser encore plus les Palestiniens, déçus par le Fatah. Chaque jour, le Hamas s’est développé.
Aujourd’hui, Le Hamas n’a pas empêché la déportation des Gazaouis vers le sud et n’ont pas fait tout ce qu’il faut pour protéger les civils chez eux. Beaucoup de Gazaouis pensent que le Hamas participe à la déportation des Gazaouis et le critiquent énormément.
Les deux, Israël et Hamas, sont les meilleurs ennemis : à eux deux, ils participent de la dépossession d’un peuple, avec la complicité de l’UE.
L’enfermement, depuis 2005 derrière des murs, des barbelés, des checkpoints fermés, fermés, fermés. Et aujourd’hui, plus d’un million de personnes poussée contre un poste frontière.
Le nettoyage ethnique se poursuit. On compte près de 10000 morts à Gaza, des tonnes de bombes, chaque nuit, martyrisent des femmes, des hommes et des enfants dont ici, en France, on ne remarque même pas le visage.
En Cisjordanie, les populations civiles sont encerclées, tuées tous les jours. Les assassinats se comptent par centaines : deux jeunes ont été tués dans les villes de Tamun et Quabatya, à Jénine, mais aussi à Jérusalem, à Ramallah, à Jénine : les villes et les villages sont encerclés, et les forces de l’armée occupante tirent pour tuer.
Dans le désert, les Bédouins sont chassés et molestés, tués, traqués par les colons. : Depuis le 12 octobre, les habitants d’un village situé au bord de la route Allon, ont fui, pour ne pas subir le même sort que les habitants du hameau Wadi Al-sik : des tortures et humiliations ont été rapportées par le quotidien israélien Haaretz. Le nombre d’arrestations de Palestiniens explose : un raid dans le camp de réfugiés de Tulkarem, un autre dans le camp de réfugiés de Nour Shams qui a fait treize morts, des attaques de colons qui augmentent en flèche et les arrestations de Palestiniens qui explosent : 120 Palestiniens ont été arrêtés lors de raids en Cisjordanie. En tout, l’armée israélienne a procédé à 870 arrestations depuis le début de la guerre, selon le Comité pour les affaires des prisonniers palestiniens. On compte aujourd’hui près de 200 morts en Cisjordanie occupée.
Comme en 1948, les habitants fuient par terreur, ou parce qu’ils subissent des exactions de la part des colons, eux mêmes soutenus par l’armée. Le Ministre israélien Ben Gvir distribue des armes aux colons.
Le nettoyage ethnique se poursuit et n’a jamais cessé : Ramzy Baroud, militant palestinien arraché à sa terre, qui a vécu à Gaza, avec sa famille des tortures et des humiliations sans nom, le dit :
« Ariel Kallner, membre du parti Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a expliqué l’objectif d’Israël derrière la guerre de Gaza. « Pour l’instant, un seul objectif : la Nakba ! Une Nakba qui éclipsera la Nakba de 1948 », a-t-il déclaré. »
Il cite aussi les anciens dirigeants d’Israël qui ont toujours traités les Palestiniens comme des animaux : De Golda Meir : « Les Palestiniens n’existaient pas » (1969) à Menachem Begin : « Les Palestiniens sont des bêtes qui marchent sur deux jambes » (1982), en passant par Eli Ben Dahan : « Les Palestiniens sont comme des animaux, ils ne sont pas humains » (2013), et de nombreuses autres références racistes et déshumanisantes, le discours sioniste reste inchangé.
La vallée du Jourdain : le plan Allon, le plan Trump
La politique de perestroïka menée par l’URSS au milieu des années 80 ouvre la porte de l’immigration juive à des milliers de juifs russes. Bon accueil leur sera fait en Israël, qui gonfle ainsi sa démographie de manière substantielle.
Le parti d’Ariel Sharon (droite-extrême) est pour un judaïsme strict, orthodoxe et de plus en plus raciste et les nouveaux immigrés sont de fervents adeptes d’une pratique rigoriste du judaïsme et souhaite accélérer le processus de colonisation
Le parti d’Ehoud Barak (gauche-extrême) est très bien décrit dans un article de Liberté Algérie qui date de 2009 : « l’homme […] gèlerait les colonies mais "pour 3 mois, partiellement, pas à Jérusalem, pas les constructions en cours […]". Quel lapin va se laisser hypnotiser ? Le G8 qui vient de demander le gel de toute colonisation et qui reçoit ce camouflet en guise de concession »
C’était et c’est le but d’Israël. C’est le vœu pieux de la droite-extrême qui dirige aujourd’hui, et c’est le vœu pieu du sionisme, de gauche ou de droite : S’EMPARER DES DEUX RIVES DU Jourdain, fleuve mythique et nourricier, et faire disparaitre toute trace de la Palestine et des Palestiniens.
Le plan Allon, qui a servi de base à l’occupation de 1967, sépare de fait ce qui devrait être l’état palestinien en créant une zone autour d’Hébron au sud de Jérusalem et une zone au nord autour de Naplouse, avec un corridor allant à Jéricho : on voit sur la carte les zones hachurées autour du fleuve, annexées par Israël. Le plan prévoyait le moins d’Arabes palestiniens possible dans les espaces colonisés, afin de faire passer la balance démographique en faveur d’Israël.
Si je parle de ce Plan Allon bien qu’il n’est jamais pu être mis en œuvre de manière officielle, c’est qu’on trouve une ressemblance assez claire entre celui-ci, le plan Trump, ou accord du siècle de 2020, et la situation actuelle, avec la construction du mur (2000), les grands checkpoints (Qalandya : 2002) et la partition de Jérusalem et les incursions des colons dans la Vieille ville et dans l’Est de la ville.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise colonisation de peuplement :
Du kibboutz à la colonie individuelle
Dans la presse française, on nous explique qu’un kibboutz n’est pas une colonie. Mais le kibboutz a été le fer de lance de l’implantation des juifs européens, même si il est aujourd’hui inclut dans l’état d’Israël. Dès le début du XXe siècle et donc sous l’empire Ottoman, ces lieux de vie inspirés du marxisme ont permis à des centaines de juifs de s’implanter en Palestine, en groupe, pour apprendre à cultiver la terre, à manier les outils. Souvent, ils étaient implantés près des villages palestiniens, ou bien près des Bédouins et les premiers habitants des kibboutz ont été enrôlés dans les guerres de 1948, ou bien ils s’y sont engagés par eux-mêmes.
La colonisation peut-être de droite ou de gauche : elle a pris différentes formes philosophico-religieuse : idéaux communautaire et laïque, idéaux individualiste, conservateur et marchand mais c’est toujours la colonisation.
Aujourd’hui, autour de la vallée du Jourdain mais aussi de Jérusalem, l’état israélien achète les terres et les maisons des palestiniens, les administrent en biens nationaux et revendent à des particuliers juifs des lots, appartements ou maisons. Des milliers de juifs du monde entier peuvent avoir un « abri national » en Israël, mais les indigènes, Palestiniens Arabes, Bédouins et autres, non.
Les Israéliens de gauche qui achètent ces biens font la différence entre eux et les colons qui s’installent de manière sauvage et illégale. Ils ne se considèrent pas comme des colons car ils ont acheté « leur » bien à Israël. Mais la colonisation est illégale car au regard du droit on n’a pas le droit de s’installer dans des Territoires Occupés : leur État (Israël) commet un acte illégal en préemptant ces maisons et en leur revendant car Jérusalem-Est et la Cisjordanie sont sous occupation depuis 1967.
Aujourd’hui, si Israël parvient à ses fins, elle aura fait déporter tout un peuple, en l’espace d’un petit siècle. Peuple qu’elle déshumanise, qu’elle massacre, dont elle dit qu’il n’existe pas. Ce sont des millions d’humains qui, depuis la prise de contrôle de leurs terres ancestrales par des occidentaux, voient leur droits bafoués, leur déchéance annoncée, et sont privés de toute les libertés.