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Christiane Hessel, militante pour le droit du peuple palestinien jusqu’au bout de sa vie
jeudi 19 décembre 2024
Suite au décès de Christiane Hessel, infatigable militante des droits du peuple palestinien, que certains d’entre nous avaient eu l’honneur de rencontrer, nous publions ci-dessous
– l’hommage que lui rend l’UJFP
– la lettre qu’elle avait adressée au Président de la République au moment de son investiture et publiée par Le Monde
Coordination nationale de l’UJFP 16/12/24 Les communiqués de l’UJFP |
Cette grande dame a choisi de nous quitter le 14 décembre à l’âge de 96 ans. Elle a choisi l’euthanasie « seul moyen de partir dignement » a-t-elle expliqué.
Christiane Hessel a toujours été d’une grande droiture. Avec son mari Stéphane Hessel, disparu en 2013, elle a fait de nombreux voyages en Palestine et en particulier à Gaza.
Elle a inlassablement tenu à témoigner de l’injustice totale faite à ce peuple et elle a sans arrêt souligné la résistance de la société palestinienne qui, dans les pires circonstances, vit, étudie, produit, s’organise, fait la fête, croit en l’avenir …
Plusieurs militant.es de l’UJFP l’ont côtoyée avec admiration dans des réunions publiques. Dans le film Le Char et l’Olivier de Roland Nurier, elle explique longuement sa solidarité avec Gaza. Parmi les ouvrages qu’elle a écrits, il y a Gaza j’écris ton nom (2011).
Elle a préfacé le livre collectif Gens de Gaza, vivre dans l’enfermement (2017) dont plusieurs auteurs sont membres de l’UJFP. Elle y écrit des propos incroyablement actuels en plein génocide : « je crois qu’il n’existe nulle part dans le monde de situation comparable : plus de 2 millions d’êtres humains emprisonnés sur une bande de terre prise en étau entre Israël et l’Égypte. On ne peut en sortir ni par terre, ni par air, ni par mer … »
À l’heure où une partie importante de nos « élites » politiques ou médiatiques ont repris le discours des génocidaires, la voix de Christiane Hessel donne l’exemple de ce que doivent être la justice et la dignité.
La Coordination nationale de l’UJFP, le 16 décembre 2024
Tribune de Christiane Hessel parue dans Le Monde
Christiane Hessel, militante pour le droit du peuple palestinien jusqu’au bout de sa vie
Juste avant son départ définitif dont elle avait elle-même choisi la date, un acte revendiqué comme la décision ultime d’une femme libre, Christiane Hessel a aussi choisi d’adresser une dernière requête aux autorités françaises concernant l’avenir du peuple palestinien. Une lettre en tout point remarquable adressée au Président de la République pour la reconnaissance par la France de l’État de Palestine. C’est aussi « avec espoir et détermination » que nous poursuivrons son combat, pour cette reconnaissance qui n’a que trop tardé.
Monsieur le président de la République,Vous voici, à 47 ans, investi des plus hautes fonctions. Me voilà, à presque 97 ans, au crépuscule de ma vie.Affaibli par les tumultes de la vie politique, vous pouvez encore beaucoup d’ici à la fin de votre mandat. Affaiblie par les dommages irrémédiables de l’âge, je m’adresse à vous une dernière fois pour me faire l’écho des aspirations d’un peuple trop longtemps privé de justice et de paix.Mon combat de ces quarante dernières années, mon espoir, a été de voir la création d’un Etat palestinien. J’ai été une inconditionnelle de l’Etat d’Israël, comme mon mari, Stéphane Hessel, qui en avait vivement encouragé la création alors qu’il officiait aux Nations unies. Peut-être n’aurais-je jamais embrassé, en plus de cela, la cause palestinienne si, à l’occasion d’un voyage en Egypte à la fin de la première Intifada, nous ne nous étions rendus à Gaza. Déjà, les souffrances infligées à la population enfermée nous étaient insupportables. Quiconque est allé sur place ne peut être indifférent au traitement réservé à ces femmes, ces hommes, ces enfants.Nos critiques vis-à-vis de la politique des gouvernements israéliens n’ont jamais remis en question la création et l’existence d’Israël. Bien au contraire : nous nous inquiétions de la légitimité de cette occupation et de la portée de celle-ci pour l’avenir d’Israël.Cessons d’être apathiquesBeaucoup, y compris dans vos rangs, sèment la confusion dans les médias, jettent l’opprobre sur quiconque exprime de la compassion à l’égard du peuple palestinien et dénonce les agissements du gouvernement Nétanyahou. Laisser perdurer l’idée que soutenir les droits des Palestiniens est équivalent à une prise de position hostile vis-à-vis de la communauté juive revient à détourner l’attention du problème majeur : la disparition voulue, organisée, en cours, du peuple palestinien. Je vous exhorte, en dirigeant responsable, à apporter de la clarté. Vous avez le devoir d’assurer que ce sujet, grave et complexe, soit abordé avec rigueur, honnêteté et lucidité. Sans essentialiser ni le peuple palestinien, ni les membres de la communauté juive, ni les Israéliens.Refuser de reconnaître l’Etat palestinien, c’est ignorer une aspiration légitime à l’autodétermination, c’est trahir l’esprit même des droits de l’homme dont la France se fait la garante. C’est perpétuer un statu quo injuste où un peuple entier vit sous occupation, privé de ses droits fondamentaux.Face à cela, la Cour pénale internationale prend ses responsabilités ; l’ONU rappelle les évidences et le droit international ; des pays européens comme l’Espagne, la Norvège et l’Irlande reconnaissent l’Etat de Palestine ; l’Afrique du Sud agit au regard de sa propre histoire. Et nous ? Et vous, dirigeant de l’Etat français, où êtes-vous ?Si vous le voulez, vous pouvez accomplir un acte fort pour améliorer le sort des populations qui souffrent à Gaza et en Cisjordanie : ayez le courage de reconnaître l’Etat de Palestine !
Montrez au monde que la France reste une puissance morale qui agit selon ses principes ; inspirez d’autres nations à suivre cet exemple et à bâtir une coalition internationale pour la paix ; faites en sorte que votre héritage soit celui d’un homme d’Etat qui défende ce qui est juste.Reconnaître l’Etat palestinien, c’est choisir l’espoir contre le désespoir, la clarté contre l’obscurité, la justice contre l’oppression. C’est écrire une page nouvelle et prometteuse dans l’histoire tourmentée du Moyen-Orient. Le prisme médiatique et politique ne nous donne à voir Gaza que sous l’angle de la misère, de la destruction, du désespoir. Cessons d’être apathiques : considérons la réalité dans sa complexité pour bien agir.Sortez de la banalité par un exploitCeux qui se sont rendus sur place savent que Gaza, c’est autre chose. C’est une civilisation, une histoire. C’est un peuple doué. C’est une enfance qui mérite d’être sauvée. Aujourd’hui, une génération entière est malmenée, en perdition. Un immense effort doit être accompli pour la jeunesse et la petite enfance. L’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) avait permis des avancées remarquables : 200 écoles pourvoyant un enseignement de qualité. Le rétablir, et construire quelque chose de nouveau qui s’en inspire : voilà une mission noble pour faire redémarrer une société.C’est une population courageuse qui, ces vingt dernières années, a réussi à maintenir, appuyée par les aides internationales que coordonnait l’UNRWA, des réseaux d’éducation et de santé. C’est la beauté d’une plage infinie, 40 kilomètres d’étendue de sable fin, et d’un territoire vert de ses champs, terres agricoles, oliviers : autant de richesses naturelles qui offrent une base à un avenir possible. La zone de Gaza mérite d’être rendue à son peuple et aussi d’être ouverte sur le monde. Redonnons aux Gazaouis cette source de bonheur dont certains voudraient continuer de les priver.Vous qui souhaitez laisser une trace dans l’histoire, vous pouvez être le bâtisseur de cet avenir. On ne peut pas, vous ne pouvez pas, laisser la Palestine disparaître. Il faut sans attendre penser à la reconstruction de ce pays. A son autonomisation. A son indépendance. A établir une zone de paix qui permette de restaurer une culture, une éducation, un avenir pour les enfants, une indépendance.Sortez de la banalité du discours par un exploit : celui de vous intéresser à l’émancipation et à l’avenir de la Palestine et de ses habitants. Contribuez à définir un objectif positif pour la société palestinienne ; saisissez cette chance extraordinaire de marquer votre passage ; saisissez-vous du destin de la Palestine ! Aidez à redonner vie à cette population.Vous qui manifestez un intérêt certain pour la Méditerranée, contribuez à faire de la Palestine un eldorado, le terrain d’une renaissance : celui d’une population instruite, cultivée, qui retrouve ses racines culturelles et son histoire, dispose de son autonomie ; qui fructifie des opportunités de développement agricole ; qui construit un pays moderne et d’avenir.Osez cette utopie.L’histoire se souviendra de ceux qui auront eu le courage de la clarté et de l’ambition. Soyez l’un d’eux.Avec espoir et détermination.Christiane Hessel-Chabry