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Crimes de guerre contre crimes de guerre

samedi 14 octobre 2023, par marie

Billet originellement publié sur le blog de Mediapart


Ce matin, à 5:55, j’ai reçu un message de mon amie à Gaza : « On est au sud, j’ai tellement peur. »

Les articles que je lis dans la presse depuis ce matin indiquent qu’une invasion terrestre de la bande de Gaza va avoir lieue, très probablement, et que l’armée va s’installer pour durer dans le nord de la bande. Des réservistes israélo-américains, ou israélo-français, qui jusque là mangeaient des frites à Manhattan, vont bientôt se retrouver dans un bourbier type Vietnam, avec la mort au coin du bloc. Des civils palestiniens re-vivent la Nakba, fuyant corps et âmes vers un sud inhospitalier, sans eau, sans électricité, sans argent et pour la plupart sans voiture. Les quelques journalistes présents dans la bande (9 ont été tués) nous envoient des messages d’alerte. Il est de plus maintenant acquis qu’il n’y a de sécurité nulle part pour les Gazaouis. Les deux stations de communication ont été ciblé par les israéliens, et des camions qui acheminaient de l’aide par l’Égypte ont été sommé de faire demi-tour sous peine d’être la cible de bombardements. Les habitants sont d’abord priés de fuir vers l’Égypte, puis le poste frontalier de Rafah est bombardé. La peur d’être coupé du monde, pris sous des décombres sans possibilité de demander de l’aide, hante les corps et les esprits.

Depuis jeudi, Israël intime l’ordre aux Gazaouis de quitter le nord de la bande. Tout le monde doit partir, les malades, les enfants, les vieillards. Ceux qui restent seront considérés comme des "terroristes". Plus d’un million de personnes doit partir pour se diriger vers une zone où survivent déjà plus d’un million d’autres personnes, dans le dénuement et la misère. Toutes les organisations internationales disent que c’est impossible, que c’est un massacre annoncé : l’ONU - les centres de l’UNRWA se sont déplacés vers le sud pour suivre au plus près les populations déplacées, s’installent dans les écoles -, l’Organisation Mondiale de la Santé déclare que déplacer les malades est dangereux et synonyme "d’une condamnation à mort", le Conseil aux Réfugiés norvégiens dit que l’ordre d’évacuation israélien, sans possibilité de retour pour les Gazaouis, est un crime de guerre. Malgré l’ordre d’évacuation, les bombardements ont continué tandis que les civils fuyaient en réponse à l’ordre.

Aujourd’hui, Joe Biden a dit que tous les Gazaouis n’étaient pas des terroristes du Hamas, qu’il fallait faire preuve de discernement, mais il n’a pas dit qu’Israël devait lever le siège de Gaza, que ce blocus était inhumain. Depuis 2015, Gaza est sous blocus et il est très difficile d’y vivre décemment même quand la guerre n’est pas "active" comme elle l’est aujourd’hui. De nombreux Gazaouis sont là parce que leurs pères, agriculteurs souvent, ont été chassé de leurs terres et placé dans des camps de réfugiés à Gaza par l’entité sioniste, tout au long de la deuxième moitié du XXème siècle et du premier quart du XXIème : les fellahs, les paysans, quelconques et ordinaires, sont forcés de quitter d’abord leurs terres, puis, plusieurs fois par décennie, les différents lieux où il s’implantent. Certains, ainsi, se retrouvent à Gaza. Ramzy Baroud raconte l’histoire de sa famille, et notamment l’histoire de son père qui a vécu toute sa vie, jusqu’à sa mort à Gaza, ce calvaire.

Aujourd’hui, on nous dit que le blocus de Gaza date de la prise de contrôle date de la prise de pouvoir du Hamas en 2006. Avant cela, des milliers de colons étaient sur les terres palestiniennes autour de Gaza-la ville, et sur les bords de mer et l’armée israélienne avait envahi le sud du Liban, et les Palestiniens subissaient tous les problèmes liés à la ségrégation et à l’exil forcé. L’échec des accords d’Oslo et du processus de paix ont mené à l’évacuation des colons mais Israël n’a pas rendu Gaza aux Palestiniens. En 2006, comme aujourd’hui, un simple coup de téléphone de l’armée informait les Palestiniens de Gaza qu’ils avaient tant de minutes pour quitter leurs maison et que celle-ci allait être bombardée. La communauté internationale n’a rien fait. Israël a bloqué toutes les entrées et sorties de la bande et a imposé un blocus drastique des marchandises, de la circulation des personnes. Depuis 2006, Gaza vit des coupures quotidiennes d’électricité et n’a pas accès à de l’eau potable partout. Les puits sont pollués, les hôpitaux sont exsangues, la circulation est limitée et il est très difficile de se faire soigner. De nombreux témoignages de médecins, de psychiatres, font état d’un état de choc continu sur la population qui souffre de divers troubles psychiques dues à l’enfermement, à la peur et à la guerre qui revient sans cesse. Les Gazaouis résistent pour ne pas sombrer.

En 2008 et en 2009, 1400 civils palestiniens ont trouvé la mort dans des opérations militaires israéliennes de grande ampleur. À l’époque, la bande de Gaza comprend 1,5 million d’habitants et Israël a commencé un travail de dé-développement total de l’endroit, privant ces habitants de toute humanité, les privant d’eau, d’électricité. La déshumanisation est à l’œuvre. De nombreuses missions de solidarité internationales s’organisent, comme le mouvement Free Gaza, et des bateaux sont affrétés pour casser le blocus : les militants sont arrêtes et emprisonnés, et rien n’arrêtera plus Israël dans son entêtement à enfermer des Palestiniens dans cette prison à ciel ouvert. La communauté internationale ne réagit pas.

Aujourd’hui, les règles de la guerre ne fonctionnent pas. Les crimes de guerre s’accumulent : le Hamas a tué, mutilé affreusement des centaines et des centaines de personnes, l’armée israélienne tue indifféremment des civils et des militaires, les colons tuent, lynchent et mutilent des centaines de personnes.

Crimes de guerre contre crimes de guerre dans un contexte de ségrégation et de colonisation, l’ONU est au courant.

Alors, pourquoi parler de terrorisme ? Est ce qu’on dit que l’Ukraine, qui s’oppose à l’annexion de son pays par un autre, est terroriste ? L’Ukraine est malheureusement en guerre, contre la Russie, et la Palestine est en guerre contre Israël. C’est malheureux mais c’est comme ça. Israël ne fait pas face à une attaque terroriste qui la prend innocemment par surprise. Israël commet des actes interdits depuis sa création : elle envahit, elle colonise, elle ne respecte pas ses frontières, elle corrompt des pays et les influence en utilise l’arme terrible de l’antisémitisme pour essayer de nous faire taire. Le racisme ne passera pas : il faut lutter avec force contre son influence désastreuse : juifs, musulmans, chrétiens et athées, répétons-le : ceci n’est pas une guerre de religion mais c’est une guerre de colonisation et d’impérialistes, c’est une guerre animée par des désirs nationalistes et fondamentalistes - des trois religions mêlées.

Pour ceux qui le souhaite, souvenons-nous des accords d’Abraham et du fondamentalisme religieux qui les ont modelé.

Le lien ci-dessus renvoie en seconde main à un article d’Orient XXI : Il s’agit tout simplement de dire que les trois religions abrahamiques ne s’opposent plus "culturellement" comme elles pouvaient le faire mais se rejoignent autour de valeurs communes et fondamentalistes pour lutter contre les sociétés laïques.

Courage à tous !