Accueil > Nos activités > Nos contacts en Palestine > De Gaza à Oust : parler toujours, construire, aimer, se serrer les coudes

De Gaza à Oust : parler toujours, construire, aimer, se serrer les coudes

samedi 6 janvier 2024, par marie

Eau potable et saine aux réfugiés de « Tel el Solttan » à Rafah qui, sur ordre, ont dû quitter le nord, le centre de la bande de Gaza ainsi que Khan Younes : fournir et distribuer 8 mètres cubes d’eau par jour pendant de 15 jours. Nous sommes les témoins et les acteurs de notre vie.

Article initialement publié sur le blog de Mediapart


Destruction de l’usine qui fabriquait les ministations à Gaza

Depuis le 7 octobre, mon amie et moi, on se cherche, on se perd, on se parle (les prénoms sont fictifs*)

7 octobre

La situation est terrible.

8 octobre

je suis chez la voisine...

9 octobre, tôt le matin

j’ai pas pu dormir, ça arrête pas, Sara* n’est pas bien, elle a vomi de nouveau hier soir, suite à un bombardement très proche, je ne sais pas quoi faire

Ils ont bombardé avec des bombes phosphoriques

Vers la mi-journée

on ne peut pas se déplacer, c’est à cause de la peur... un carnage, un quartier tout entier au camp de Jabalya

10 octobre, en soirée

merci Esther*, c’est très gentil... Ils ont bombardé le point de passage de Rafah, et là, ils sont en train de détruire des quartiers en entier et là on n’a plus d’électricité

11 octobre

Ils ont bombardé juste à côté, il y a des dégâts à la maison, je sais pas exactement quoi mais j’ai vu les vitres cassées. Je suis chez une amie et la connexion internet est faible.

12 octobre

j’ai pas pu répondre, je viens d’avoir la connexion, il n’y a pas d’électricité, et les gens souffrent du manque d’eau. Voilà, je suis retournée chez moi aujourd’hui, les voisins m’ont appelés pour que je rentre avec eux, je suis chez moi, les fenêtres sont cassées, il y a des dégâts, je n’ose pas m’approcher pour nettoyer, à cause des bombardements il ne faut pas s’approcher des fenêtres, je suis devant porte avec Sara, on entend les bombardements un peu partout. (On entend l’aviation dans le message audio.)

J’ai reçu un appel de la voisine, elle veut sortir aussi cette nuit, elle ne veut pas rester dans le bâtiment, je vais sortir aussi avec elle, qu’elle n’emmène chez une amie car je veux pas rester toute seule

13 octobre

Salut Esther, voilà, je sais pas quoi faire, là, à tout à l’heure

L’appartement de mon amie est en centre-ville, face à la mer. Elle me l’avait fait visiter par whatsapp l’an dernier. La petite faisait des roulades sur un canapé blanc, il y avait des plantes, des petites lampes avec des batteries pour avoir de la lumière même pendant les coupures d’électricité. Il y avait un balcon et la petite allait y regarder la mer.

14 octobre, 6h00

voilà, on est au sud... j’ai tellement peur.

Les sanglots dans la voix, elle dit : Personne n’est à l’abri, personne, on est tous menacés.

15 octobre

Toujours au sud, j’en peux plus, j’en ai marre d’entendre que des mauvaises nouvelles, je suis tellement épuisée

16 octobre

🌹

17 octobre

Rien n’a changé, j’arrive plus à supporter... imagine, y a une heure, ils ont bombardé tout un carré plein de monde au centre de la bande de Gaza... imagine le nombre de victimes...

J’appelle ma mère de temps en temps pour avoir de ses nouvelles, moi et Sara, on vous embrasse.

🌹

Des centaines de civils sous les décombres... suite au bombardement d’un hôpital... à Gaza... et ils bombardent dans les environs, on a tellement peur, Sarah a vomi de nouveau

19 octobre

(des bruits d’aviation, de bombardiers qui passent) la situation est tellement dure, j’arrive pas à dire si ça va, ça va pas. Franchement je n’en peux plus (pleurs)

Je ne suis pas blessée mais c’est tellement dur de vivre sans sécurité.

20 octobre

🌹🌹🌹

21 octobre

Comme tout le monde, je suis inquiète, stressée, paniquée surtout quand il commence à faire nuit. Les bombardements se poursuivent, dieu nous protège

(je lui fais part de nos manifestations)

J’espère que ça aboutira à quelque chose, j’en peux plus

❤️

24 octobre

ça va, j’avais pas de charge sur mon portable

❤️ – on vous aime aussi

26 octobre

merci ma chérie, j’espère que ça finira vite

29 octobre

ça va, ça va

30 octobre

j’ai appris que l’immeuble où j’habite a été détruit... j’ai perdu ma maison... ils m’ont brûlé le cœur, j’ai perdu ma maison

2 novembre

j’essaye de tenir, j’essaye... nos cerveaux ne peuvent pas assimiler ce qui se passe ❤️

8 novembre, tôt le matin

Bonjour Esther, les bombardements ne cessent pas... c’est terrible et il y a des gens qui ne trouvent pas à boire ni à manger... je te cache pas, des fois on a le sentiment qu’on est là à attendre notre tour

❤️

12 novembre

je profite que j’ai un peu de connexion, nous on va bien, on est vivants, voilà on est vivant, jusqu’à maintenant. Notre vécu est tellement dur, des bombardements partout, c’est tellement fort, j’ai tellement peur pour Sara, la pauvre, son petit cœur ne supporte plus tout ça on est tout les temps effrayé, on dort mal tellement il y a de l’aviation, on essaye de sortir de Gaza, elle a un passeport mais on a essayé mais jusqu’à maintenant on an pas de réponse, on attend notre nom dans les listes mais toujours pas. Ils disent que jeudi ils vont tout couper, les connexions et les communications

14 novembre

on va bien, mais au fond de moi, j’ai très mal

18 novembre

Bonjour ma chère Esther, moi aussi on vous aime, merci pour vos efforts. On a été coupé du monde ces deux derniers jours parce qu’il y a un manque de fioul, les centrales de communication ne fonctionnaient pas donc et il aussi les connexions internet qui ont été coupées. La situation est de plus en plus catastrophique surtout avec les déplacés qui venaient du nord, ils sont nombreux, ils sont dans un état catastrophique, en plus il y a un manque cruel de matières alimentaires, moi je fouille les magasins pour trouver quelque chose à manger pour Sarah et moi mais ça va en général il faut trop pas se plaindre on se débrouille avec le peu qu’on trouve. Voilà j’essaye de sortir en Égypte mais c’est très compliqué parce que les gens qui veulent sortir sont très nombreux, on attend notre tour
ben voilà, ça va
Les bombardements continuent de plus en plus et c’est effrayant, c’est effrayant j’espère que Sara et moi on va tenir le coup. Le problème, ils disent, on a entendu, qu’ils demandent aux gens du sud de se déplacer mais pour aller où ? Dans ce cas moi je compte pas quitter la maison où je suis parce que j’ai nulle part ou aller. Voila, je crois qu’il va y avoir une invasion au sud, il vont finir avec le nord, avec Gaza ville et le nord et je crois qu’ils vont travailler ici au sud mais le problème c’est qu’ici les gens sont très nombreux et si ils veulent se déplacer, ils vont se déplacer où ? Voilà, c’est le problème de tout le monde, voilà
je vous embrasse, Sara vous embrasse tous

20 novembre

(beaucoup de voix d’enfants) Moi et Sara ça va - Hier soir il y a eu des bombardements très fort, on a essayé de dormir et on a été réveillé, effrayés par les bombardements. De toute façon, c’est comme ça tous les jours toutes les nuits. Je sais que vous manifestez, j’espère que ça bougera les choses et que cette guerre cessera, moi comme tout le monde on souffre, mais je dis il faut pas se plaindre trop parce qu’il y a des gens qui sont dans un mauvais état, il y a les déplacés qui sont venus du nord vers le sud ils sont dans un mauvais état, ça déchire le cœur surtout de voir les enfants il va commencer à faire froid, il pleut, les maladies se propagent dans les écoles qui hébergent les gens. Il y a un manque de nourriture. L’eau à boire est polluée ; je cherche tous les magasins pour trouver quelques bouteilles d’eau que j’achète à prix cher, on boit moins d’eau, la nourriture on se débrouille, il faut pas dire qu’on mange parfaitement mais on se débrouille avec le peu. Les gens ici sont dans un état humanitaire catastrophique. On a entendu qu’il va y avoir une trêve mais c’est pas sûr, le fait de circuler dans les rues est risqué car il peut y avoir des bombardement tout le temps, ça s’arrête pas, merci pour tout ce que vous faites pour nous, pour votre solidarité.

22 novembre

Pour Zoher, moi aussi je m’inquiète parce que le 10 novembre j’ai parlé avec sa femme, Zoher est resté dans sa maison. Je n’ai plus de nouvelles, j’ai essayé de rappeler sa femme tout le temps mais c’est difficile de communiquer à l’intérieur de la bande de Gaza c’est rare qu’on puisse communiquer dans la bande de Gaza ; j’espère que rien de mal leur arrive mais il n’y a pas de communication dans la ville de Gaza et dans le nord, c’est pour ça qu’il a pas donné de nouvelles, en tout cas de mon côté j’essaye tout le temps d’appeler sa femme et une amie à eux aussi. De toute façon, ça continue, les bombardements...

Je n’arrive pas à les joindre mais j’ai vu que le portable de sa femme reçoit les messages donc c’est un bon signe

23 novembre

ça va, nuit terrible, bombardements aériens d’un côté, et artillerie, ils n’ont pas cessé, on n’a pas pu dormir. Voilà aujourd’hui c’était une trêve mais ils ont reporté jusqu’à demain, mais moi je fais pas trop confiance donc il faut être prudents. On vous aime je vous embrasse très fort moi et Sara

Ils sont sur les frontières mais on a entendu qu’ils vont faire une invasion dans le sud mais on sait pas quand, hier les tirs d’artillerie n’ont pas cessé voilà, on espère qu’il n’y aura pas une invasion du sud parce que nous, on a pas où aller, le nord s’est déplacé dans le sud, donc si ça arrive on va aller où ? Déjà là c’est effrayant dans cette situation. On attend d’être dans la liste des gens qui partent en Égypte et on verra ce qu’on va faire

24 novembre

pour Zoher, j’essaye toujours d’appeler son épouse mais je n’arrive pas à les avoir mais ils arrivent à recevoir les appels, mais si on avait eu des mauvaises nouvelles on le saurait donc normalement tout va bien.

25 novembre

Comment aider ? Franchement moi j’essaye d’intervenir au niveau des écoles, je voulais acheter des manteaux pour les enfants mais franchement je te dis, il faut attendre, pourquoi ? Parce que les commerçant profitent de la situation et augmentent les prix il n’y a pas de contrôle sur les commerçants et les prix, et sur la marchandise. Il vaut mieux attendre que la situation soit stable Je préfère attendre que ce cauchemar finisse

Pour l’alimentation, j’ai fait des visites aux écoles il y a l’UNRWA qui intervient très bien dans les écoles Pour l’instant n’envoyez rien, ni aux hôpitaux. Par exemple, c’est comme Shiffa, c’est Gaza Ville, zone fermée, considérée comme une zone militaire, et les associations, je fais pas trop confiance, je sais pas exactement comment ils font. Il y a a peu de marchandises et les prix sont élevés - Le mieux, c’est attendre et on pourra s’organiser quand les choses seront stables, voilà c’est mon avis -

26 novembre

oui, ça va la trêve, mais sur les frontières il y a toujours l’aviation et les drones et même ils tirent sur le gens, les bombardements se sont arrêtes. J’espère que cette trêve va mener à un cessez le feu et que la guerre finira. Je suis tout à fait d’accord pour qu’on envoie pas d’argent maintenant parce que par exemple il y a de gens qui sont partis par peur des zones frontalières du sud, ils ont leur maison dans le sud et ils sont venus dans les écoles. Il faut pas mélanger avec les gens qui sont venus du nord, voilà... Les choses seront claires quand la guerre cessera- ça veut dire les gens qui habitent la zone-est, c’est à dire Khan Younés, ils vont retourner chez eux et dans ce cas là on pourra identifier les besoins des gens qui on besoin d’aide. Les gens du sud sont venus se protéger dans les écoles par peur mais ils pourront rentrer chez eux, ils sont dans un bon état – on décidera après la guerre, je suis partante avec vous pour faire un travail ici dans le sud et l’essentiel c’est que tout soit correct

Moi aussi je suis de tout cœur avec les gens de Jenine, on est au courant de ce qui se passe la bas, je les salue, merci pour leur soutien, merci je t’embrasse aussi toi et tout nos amis de Couserans Palestine

27 novembre
Pendant la trêve, des amis de Leila ont pris en photo son appartement à Gaza ville :

28 novembre
Nous avons parlé de la société ETA, tenu par M. Salah Abdoul Yassine. Elle a été détruite à Gaza Ville mais 20 % des infrastructures peuvent encore fonctionner à Rafah.

1er décembre

Ils ont repris les bombardements, ils nous demandent de partir mais pour aller où ? Ils veulent qu’on aille à Rafah...

Je ne sais pas si ma demande pour sortir de Gaza est prise en compte. on a reçu des massages pour quitter mais je ne connais personne à Rafah et je ne sais pas quoi faire.

2 décembre

Toujours à Khan Younés, la nuit était terrible.
On ne sait pas où aller.

Je ne suis pas avec ma mère on a été séparées

3 décembre

Oui... on a reçu des messages pour aller à Rafah. Je suis allée voir à Rafah aujourd’hui un endroit pour se réfugier mais trop de monde et j’ai pas trouvé d’endroit...

5 décembre

Nous sommes sous les bombardements

Ils n’ont pas cessé. Nous avons pu sortir de la zone ou on était. On se réuni pour continuer le chemin vers Rafah. On est dans un état, je te dis pas.

6 décembre

On a réussi de sortir de Khan Younés, on a pas d’abri, je suis avec mes frères, on essaye de construire une tente. On est a une dizaine de mètres de la société ETA, donc on a de l’eau

12 décembre

On est à Rafah, les femmes dans la caravane et les hommes dans une tente. Sara va bien, elle vous embrasse. On est en vie mais on sait ce qu’on va devenir. On entend les bombardements, très forts, sur Khan Younès

13 décembre

Moi et Sara on va bien on vit dans une caravane, ma mémoire n’est plus comme avant-

Il pleut, il pleut dans la caravane mais on va bien malgré tout
je suis avec ma mère et mes belles sœurs viennent aussi passer la nuit dans la caravane – la caravane est toute petite, c’est comme une boite mais c’est mieux, c’est pas mal par rapport aux autres, c’est pas mal on dit Dieu merci
on vous embrasse et tous les amis de Couserans-Palestine

17 décembre

On vous aime, vous êtes de braves amis. Voilà, on a été coupé pendant quelques jours, Sara a été malade, elle a eu la grippe. Mais ça va franchement, les pharmacies manquent cruellement de médicaments, les gens vivent dans des conditions très très difficiles ici, surtout ceux qui sont dans les écoles et dans les tentes. J’aurai aimé faire des petits projets pour les aides choses pour les aider mais tant qu’il n’y a pas de marchandises je préfère attendre car les prix sont très très cher, il y a des gens qui profitent de la situation et augmentent les prix, même pour la nourriture on n’arrive pas à acheter tout, ce qui était à 5 Nils est à 40 maintenant.

19 décembre

19 décembre

Bonjour Esther
Ça va... hier c était une nuit dure : il y a eu des bombardements à Rafah
Ça fait du bien de te voir dans la photo
Espère te voir prochainement en réalité

21 décembre

Bonjour mon amie, j’ai entendu qu’ils évacuent une partie de Khan Younés ? ou vont aller tous ces gens ? Comment vas tu, est ce que vous n’avez pas trop froid ? je pense à vous tout le temps, on vous embrasse très fort.

21 décembre

Bonjour Esther
Sûrement ils vont se déplacer à Rafah... trop de monde ici.... Je crois qu’ils vont faire à Khan Younes comme ils ont fait au nord
Moi et Sarah on vous embrasse
Si je pouvais sortir en Égypte... je vais voir la possibilités de venir en France

24 Décembre

On vous souhaite de bonnes fêtes, on vous souhaite tout le bonheur du monde. Envoies-moi des photos... on vous aime de Rafah

29 décembre

Des frappes massifs ici, et sur Khan Younes... ils ont demandé il y a deux jours que les habitants d’ouest de Khan Younes quittent leurs maisons. Ils sont arrivés à Rafah dans un état pénible...
Dans les rues sans abris

J’ai visité les écoles qui hébergent les déplacés, ils ont besoin de lait pour bébés moins de 6 mois et des couches bébés...

31 décembre
Afin de fournir une eau potable et saine aux réfugiés des quartiers de « Tel el Solttan » à Rafah qui présente un refuge pour les habitants du nord, du centre et de khanyounes, un projet a été organisé et financé par l’association Couserans Palestine, qui consiste à fournir et distribuer 8 mètres cubes d’eau par jour pour une durée de 15 jours à ces déplacés.

Portfolio