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Le secrétaire général de l’ONU saisit le Conseil de Sécurité

vendredi 8 décembre 2023

Ce mercredi 6 décembre, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a utilisé l’article 99 de la Charte des Nations Unis pour la 1ère fois, pour saisir le président du Conseil de sécurité de l’ONU et arrêter « la catastrophe en cours ».

De : Antonio Guterres
Secrétaire général de l’ONU
À : M. Jose Javier de la Gasca Lopez Dominguez
Président du Conseil de sécurité
New York, 6 décembre 2023

Monsieur le Président,

Je vous écris en vertu de l’article 99 de la Charte des Nations unies pour attirer l’attention du Conseil de sécurité sur une question qui, à mon avis, risque d’aggraver les menaces qui pèsent sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Plus de huit semaines d’hostilités à Gaza et en Israël ont engendré d’effroyables souffrances humaines, des destructions physiques et des traumatismes collectifs en Israël et dans le territoire palestinien occupé.

Plus de 1 200 personnes ont été brutalement tuées, dont 33 enfants, et des milliers ont été blessées lors des odieux actes de terreur perpétrés par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023, que j’ai condamnés à maintes reprises.

Quelque 250 personnes ont été enlevées, dont 34 enfants, et plus de 130 d’entre elles sont toujours en captivité. Ces personnes doivent être libérées immédiatement et sans condition. Les récits de violences sexuelles commises au cours des attaques sont effroyables.

Dans toute la bande de Gaza, les civils sont confrontés à un grave danger. Depuis le début de l’opération militaire israélienne, plus de 15 000 personnes ont été tuées selon les rapports, dont plus de 40% d’enfants. Des milliers d’autres personnes ont été blessées. Plus de la moitié des habitations ont été détruites. Environ 80% des 2,2 millions d’habitant·es ont été déplacé·es de force, dans des zones de plus en plus restreintes. Plus de 1,1 million de personnes ont cherché refuge dans les installations de l’UNRWA à travers la bande de Gaza, ce qui crée des conditions de surpeuplement, des conditions indignes et d’insalubrité. D’autres n’ont nulle part où s’abriter et se retrouvent à la rue. Les débris explosifs de la guerre rendent les zones inhabitables. Il n’y a pas de protection efficace des civils.

Le système de soins de santé à Gaza s’effondre. Les hôpitaux sont devenus des champs de bataille. Seuls 14 hôpitaux sur 36 sont encore partiellement fonctionnels. Les deux principaux hôpitaux du sud de la bande de Gaza fonctionnent au triple de leur capacité d’accueil et manquent de fournitures de base et de carburant. Ils abritent également des milliers de personnes déplacées. Dans ces conditions, d’autres personnes mourront sans avoir été soignées dans les jours et les semaines à venir.

Aucun endroit n’est sûr à Gaza.

Au milieu des bombardements constants de l’armée israélienne, et sans abri ni produits de base pour survivre, je m’attends à ce que l’ordre public s’effondre bientôt en raison des conditions désespérées, ce qui rendrait impossible toute aide humanitaire, même limitée. Une situation encore plus grave pourrait se produire, avec notamment des maladies épidémiques et une pression accrue pour des déplacements massifs de population vers les pays voisins.

Dans la résolution 2712 (2023), le Conseil de sécurité "appelle à l’intensification de la fourniture de ces articles pour répondre aux besoins humanitaires de la population civile, en particulier des enfants".

Les conditions actuelles rendent impossible la conduite d’opérations humanitaires significatives. Nous préparons néanmoins des options pour surveiller la mise en œuvre de la résolution, même si nous reconnaissons que dans les circonstances actuelles, cela n’est pas tenable.

Les livraisons de fournitures par Rafah se poursuivent, mais les quantités sont insuffisantes et ont diminué depuis la fin de la pause. Nous sommes tout simplement incapables d’atteindre les personnes dans le besoin à l’intérieur de Gaza. La capacité des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires a été réduite à néant par les pénuries d’approvisionnement, le manque de carburant, les communications interrompues et l’insécurité croissante. Le personnel humanitaire s’est joint à la grande majorité des civils de Gaza pour évacuer vers le sud de la bande de Gaza avant l’avancée des opérations militaires. Au moins 130 collègues de l’UNRWA ont été tué·es, souvent avec leur famille.

Nous sommes confrontés à un risque grave d’effondrement du système humanitaire. La situation se dégrade rapidement en une catastrophe aux implications potentiellement irréversibles pour les Palestiniens dans leur ensemble et pour la paix et la sécurité dans la région. Une telle issue doit être évitée à tout prix.

La communauté internationale a la responsabilité d’user de toute son influence pour empêcher une nouvelle escalade et mettre fin à cette crise. J’exhorte les membres du Conseil de sécurité à faire pression pour éviter une catastrophe humanitaire. Je réitère mon appel à la déclaration d’un cessez-le-feu humanitaire. C’est urgent. La population civile doit être épargnée. Avec un cessez-le-feu humanitaire, les moyens de survie peuvent être rétablis et l’aide humanitaire peut être acheminée en toute sécurité et en temps voulu dans la bande de Gaza.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Antonio Guterres

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1ère mise-à-jour
Vendredi 8 décembre

Le projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU pour un cessez-le-feu humanitaire immédiat a été rejeté ce soir, vendredi 8 décembre...
 13 votes en faveur du cessez-le-feu : Albanie, Brésil, Chine, Émirats arabes unis, Équateur, France, Fédération de Russie, Gabon, Ghana, Japon, Malte, Mozambique et Suisse.
 1 abstention : le Royaume-Uni.
 1 vote contre le cessez-le-feu : les États-Unis d’Amérique.
Le vote "contre" étant un véto, la résolution est rejetée.

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2ème mise-à-jour
Mardi 12 décembre

L’Assemblée Générale de l’ONU a adopté ce mardi 12 décembre à une large majorité une résolution réclamant :

  1. Un cessez-le-feu humanitaire immédiat ;
  2. Que toutes les parties respectent leurs obligations au regard du droit international, y compris le droit international humanitaire, en particulier en ce qui concerne la protection des civil·es ;
  3. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et la garantie de l’accès à l’aide humanitaire.

La résolution a été adoptée avec 153 votes favorables, 23 abstentions et 10 votes contre.

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3ème mise-à-jour
Mardi 20 février

Un nouveau projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU pour un cessez-le-feu humanitaire immédiat, présenté par l’Algérie, a été de rejeté.
 13 votes en faveur du cessez-le-feu : Algérie, Chine, Corée du Sud, Équateur, France, Fédération de Russie, Guyana, Japon, Malte, Mozambique, Sierra Leone, Slovénie et Suisse.
 1 abstention : le Royaume-Uni.
 1 vote contre le cessez-le-feu : les États-Unis d’Amérique.
Le vote "contre" étant un véto, la résolution est rejetée (bis).

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4ème mise-à-jour
Lundi 25 mars

Enfin, un n-ième projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU pour un cessez-le-feu humanitaire immédiat pendant le mois du ramadan et menant à un cessez-le-feu durable, présenté conjointement par les 10 membres non-permanents du Conseil, a été de adopté !
 10 membres ayant présenté la résolution : Algérie, Équateur, Japon, Guyana, Malte, Mozambique, République de Corée, Sierra Leone, Slovénie et Suisse.
 4 autres votes pour : la Chine, la Fédération de Russie, la France et le Royaume-Uni.
 1 abstention : les États-Unis d’Amérique.

Cette résolution, qui arrive peu après une proposition infructueuse et hypocrite des États-Unis d’Amérique, peut être lue ici.

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